Entretien avec Eric NGAPETH [ Part 2] : enjeux, défis et perspective de développement du volley-ball africain

Le volley-ball africain cherche à se développer et à rivaliser avec les équipes européennes et asiatiques. Quels sont les défis à relever ? Comment améliorer la compétitivité des équipes africaines ? Nous avons joint par téléphone lundi, Éric NGAPETH, instructeur FIVB niveau 3 pour partager son expertise et ses réflexions sur l'avenir du volley-ball en Afrique. Coach comment pouvez-vous expliquer le manque de développement du volley-ball en Afrique, malgré la présence de nombreux joueurs talentueux ? Le talent n’est pas suffisant pour performer, aussi bien dans un sport amateur que collectif. En plus du talent, il faut de la technique, du physique, un sens élevé des stratégies et énormément de discipline collective. En Afrique, tout sport confondu, il y a beaucoup de talents (innés), c’est tout le reste qui nous manque. (Rire) La formation des entraîneurs Quels sont les principaux défis auxquels les fédérations africaines de volley-ball sont confrontées pour développer le sport ?Il faut faire un effort au niveau de la formation des formateurs. Je pense que la fédération doit cibler un certain nombre de coachs pour leur assurer une formation efficace, et qu’en contrepartie, ceux-ci soient liés à la fédération. Cette fédération doit mettre en place un programme de formation de jeunes joueurs, d’où doivent sortir les meilleurs jeunes qui seront regroupés le plus souvent possible et constitueront les équipes nationales jeunes. L’apport de coachs de haut niveau permettra d’avoir des résultats sur le plan international. Comment les entraîneurs expérimentés comme vous-même peuvent-ils contribuer à la formation des jeunes entraîneurs africains ? Les fédérations ont l’occasion de solliciter la FIVB pour les aider à financer des programmes de développement. C’est dans ces programmes que les entraîneurs (par ailleurs instructeurs niveau 3) peuvent contribuer au développement du volley-ball en Afrique. Quelles sont les clés pour améliorer la compétitivité des équipes africaines de volley-ball au niveau international ? Comme dans tous les sports, la compétitivité des équipes africaines au niveau international passe par la production massive de joueurs qui évolueront dans les meilleurs championnats. (En football, on a eu les meilleurs résultats lorsqu’on a eu un maximum de joueurs qui évoluaient dans des grandes équipes européennes). L'impact de la FIVB Comment pouvez-vous évaluer l’impact de la FIVB sur le développement du volley-ball en Afrique ? La FIVB a essayé de développer le volley de masse en Afrique. Elle a multiplié les stages de formation d’entraîneurs de courte durée : 8 jours, 12 jours (on ne forme pas un entraîneur en 8 jours, niveau 1, niveau 2, niveau 3). Elle a dépensé beaucoup d’argent sans avoir des résultats probants. Les fédérations auraient dû compléter ces stages avec un programme de formation beaucoup plus développé. Aujourd’hui, la FIVB en a tiré des enseignements. Elle finance beaucoup moins ce genre de stage et investit plus lorsqu’il y a un projet de développement sérieux. Quels sont les principaux facteurs qui ont contribué à votre réussite en tant qu’entraîneur de volley-ball, et comment pouvez-vous les appliquer au contexte africain ? Plusieurs facteurs ont contribué à ma « réussite » en tant qu’entraîneur. Je suis parti très jeune en France évoluer en tant que joueur dans un championnat de qualité. En tant que joueur, j’ai été formé par de nombreux coachs de qualité et de cultures différentes. Tout en étant passionné, j’ai suivi un cursus de formation de plus de 7 ans. Étant dans le haut niveau, j’ai aussi eu la chance que des dirigeants me fassent confiance en me confiant la direction des meilleures équipes françaises (Cannes, PSG, Tours, Poitiers, Paris Volley, Ajaccio, etc.). C’est très difficile de transférer mon parcours dans le contexte africain. Car pour performer, il faut être au contact du haut niveau. Avoir été joueur de haut niveau, ça aide, mais ça ne suffit absolument pas. Je reviens pour cela à l’idée de cibler des jeunes coachs qui ont des compétences reconnues, les fidéliser ou les contractualiser (fonctionnaires), leur assurer une formation et leur confier une mission dans un programme de formation de joueurs qui couvre l’ensemble du territoire. La formation doit être permanente. Il faut suivre des stages de recyclage organisés dans le pays. Les domaines d'amélioration Comment les fédérations africaines peuvent-elles mieux utiliser les ressources disponibles pour développer le volley-ball ? Faire un état des lieux précis, ( infrastructures, moyens financiers, cadres techniques compétents et fiables , clubs etc…) Programmer en s’appuyant sur les organisations pouvant aider au financement. ( l’Etat, FIVB, Sponsors, Jumelage , Coopération avec des fédérations ,etc…) Quels sont les principaux domaines dans lesquels les équipes africaines de volley-ball ont besoin d'amélioration pour rivaliser avec les équipes européennes et asiatiques ? Holala… Pour rivaliser avec les équipes européennes et asiatiques, il faut que nous soyons au même niveau techniquement, tactiquement et physiquement. C'est-à-dire former des joueurs qui rivalisent déjà avec ces joueurs dans les meilleurs championnats de la planète. Il faut savoir que les équipes qui atteignent les quarts de finale des différents championnats mondiaux sont composées de joueurs qui ont déjà une expérience significative des compétitions internationales en cadet. Leur vécu du haut niveau est bien plus important que le nôtre.